PSEUDO-TUMEUR SYNOVIALE D'ORIGINE TOPHACEE DES CHEVILLES.

J. DAMIANO, D. LECHEVALIER, O. DUPUY, H. MAYAUDON, B. BAUDUCEAU.

Département d'Endocrinologie et Rhumatologie, Hôpital Begin 94160 St Mandé.

 

Observation : Un Africain de 41 ans était hospitalisé pour douleurs des chevilles. Ce patient ne prenait aucun traitement et n'avait pour antécédent qu'une hypertension artérielle non traitée et une surcharge pondérale. Les premières douleurs étaient apparues en 1993 à la cheville droite puis s'étaient bilatéralisées dans les mois suivants. De présentation purement mécanique, elles étaient devenues source d'un important handicap fonctionnel, la marche n'étant possible que pendant une demi-heure. Aucune douleur aiguë n'était signalée, que ce soit aux chevilles ou ailleurs.

A l'examen clinique, les chevilles, dont le volume avait progressivement augmenté depuis 1996, étaient d'une dureté pierreuse. Il ne persistait que quelques degrés d'amplitude en flexion et extension. Le reste de l'examen clinique était sans particularité hormis un hygroma rétro-olécrânien droit d'un centimètre de diamètre.

Les radiographies de chevilles montraient de très volumineuses érosions polycycliques des extrémités distales des tibias et des péronés, à type de lacunes intra-osseuses, avec atteinte articulaire. Il existait également des opacités diffuses dans les parties molles adjacentes. L'irm objectivait des volumineuses masses tissulaires érodant l'articulation tibio-péronéo-astragalienne et envahissant l'os. On ne voyait pas de pigment d'hémosidérine. Au sein de la masse tissulaire hétérogène, il existait des images linaires et arciformes en hypo-signal sur toutes les séquences.

Au plan biologique, on notait l'absence de syndrome inflammatoire (CRP < 2 mlg/l) et une modeste hyperuricémie à 458 µmol/l (normale : 240 à 420).

La ponction de l'hygroma du coude confirmait le diagnostic de maladie goutteuse en mettant en évidence des cristaux d'acide urique.

 

Discussion : Une arthropathie goutteuse destructrice survient classiquement après plusieurs crises aiguës chez des patients ayant une hyperuricémie franche. Elle est exceptionnellement d'évolution insidieuse, comme dans notre observation, mais ne doit pas être méconnue, en particulier dans les populations où l'accès médical est malaisé.

L'atteinte isolée des chevilles avec l'impressionnante iconographie présentée, en l'absence d'autre localisation, notamment au niveau des pieds, est également très atypique.

Cette observation nous a fait discuter un rhumatisme inflammatoire mais l'évolution et l'absence d'arthrite allaient contre ce diagnostic. Une atteinte tumorale ou pseudo-tumorale synoviale était évoquée. L'IRM n'apportait pas d'argument en faveur d'une synovite villo-nodulaire mais montrait des images compatibles avec des micro-cristaux. Cet examen apparaît comme déterminant dans la prise en charge de ce genre de pathologie.