Endoscopie non-articulaire du pied: désinsertion endoscopique de l'aponévrose plantaire superficielle et traitement de la maladie de Haglund
P. Christel,
Clinique Nollet,
21, rue Brochant,
75017 Paris

Une des méthodes traditionnelle proposée pour traiter les myoaponévrosites plantaires d'insertion, primitives ou secondaires, consiste à désinsérer l'aponévrose plantaire superficielle (APS) de son insertion calcanéenne. L'idée de la désinsertion endoscopique remonte au début des années 1990 (1-3). Après des évaluations en laboratoire, cette technique a connu un développement important aux Etats-Unis et il faut avouer que nous avons pris en France, à tord ou à raison, du retard dans ce domaine.

 

TECHNIQUES ENDOSCOPIQUES Choix des voies d'abord: Les portes dépendent de l'instrumentation utilisée. L'instrumentation est similaire à celle utilisée pour la libération endoscopique du canal carpien avec une optique de 4 mm orientée à 30°. La méthode à une voie d'abord, interne, utilise le matériel 3M avec une technique similaire à celle d'AGEE pour le canal carpien appelée " Inside Job ".

La technique à 2 voies d'abord utilise une porte interne et externe avec une instrumentation dérivée de celle du canal carpien (système Endotrac(tm)). La porte interne se trouve sur une ligne verticale abaissée du bord postérieur de la malléole interne, en regard de la grosse tubérosité calcanéenne au niveau de l'insertion postérieure de l'APS. Un trocart mousse est enfoncé transversalement au ras de l'aponévrose jusqu'au bord externe de la plante permettant d'établir la porte externe.

La désinsertion: Le patient est installé en décubitus dorsal, sous anesthésie générale ou loco régionale, sous garrot.

- Dans la technique à une porte postéro-interne est utilisée. Avec une lame rétrograde, 3 à 5 passages sont nécessaires pour désinsérer l'APS. La désinsertion est considère comme complète lorsque les muscles intrinsèques sont visualisés à la face profonde de l'insertion calcanéenne de l'APS. La mise en flexion dorsale de la cheville et des orteils aide à écarter les berges de l'aponévrose.

- Dans la technique à deux voies d'abord, l'arthroscope est placé par voie externe et le bistouri par voie interne. Il faut prendre garde à ne pas sectionner l'aponévrose trop loin en dehors pour ne pas léser le nerf plantaire externe. La cheville et les orteils sont mis en flexion dorsale. L'aponévrotomie est réalisée de dehors en dedans avec une lame triangulaire puis une lame rétrograde jusqu'à voir les fibres du court fléchisseur plantaire. Certains recommandent ensuite d'introduire l'arthroscope par en dedans dans l'aponévrotomie pour visualiser le feuillet profond l'aponévrose de l'abducteur du gros orteil et l'inciser avec une lame triangulaire, mais le risque de blessure du nerf plantaire externe n'est pas négligeable.

Chaque porte est fermée par un point de suture, sans drainage. Un pansement compressif est appliqué et l'appui immédiat est autorisé, fonction de la douleur. Des chaussures rigides peuvent être mises vers le 14 ème jour post opératoire et la rééducation avec exercices d'étirement et de renforcement musculaire peut alors être commencée.

 

COMPLICATIONS: L'importance de l'aponévrotomie varie selon l'instrumentation utilisée et les variations anatomiques que l'APS peut présenter. La courbe d'apprentissage est rapide et l'instrumentation est fragile. PALUMBO et coll rapportent plusieurs problèmes : persistance de la symptomatologie, douleurs médiotarsiennes calcanéo-cuboïdiennes ou sous-astragaliennes. Ces séquelles douloureuses seraient plus fréquentes si l'aponévrotomie est complète ; ils recommandent ainsi de sectionner seulement les deux tiers internes de l'aponévrose. D'autres complications peuvent se rencontrer : fibromatose cicatricielle distale, et enfin, irritation névromateuse des portes due à la variabilité du trajet des branches nerveuses superficielles.

 

ANALYSE DE LA LITTERATURE: HOFMEISTER et coll ont réalisé une étude anatomique sur 13 cadavres en utilisant la technique à une seule porte interne avec une optique plantaire, réalisant une section transversale de l'APS sous controle visuel direct. La dissection post-section a montré qu'en moyenne 81 % de l'aponévrose était sectionnée. La distance minimum entre la zone sectionnée et le nerf plantaire externe était de 10,5 mm, et avec le nerf et l'abducteur du 5 ème orteil : 12,3 mm. Le court fléchisseur plantaire était entamé dans 46 % des cas sur 0,8 mm d'épaisseur.

HAWKINS et coll (5) ont réalisé une étude anatomique portant sur 18 pieds de manière identique à HOFMEISTER et coll (6). Ils soulignent, ainsi que PALUMBO et coll (8), la difficulté à contrôler l'étendue exacte de la section, qui en moyenne était, dans leur étude, de 82 % (53-100 %). Cependant, aucune lésion de la première branche du nerf plantaire externe n'a été observée. La section de l'aponévrose de l'abducteur du gros orteil n'est pas possible par cette technique.

KINLEY et coll. (7) ont établi une comparaison de 61 sections endoscopiques de l'APS avec 26 résections d'épine calcanéenne à ciel ouvert. L'utilisation de l'endoscopie permet d'obtenir significativement moins de douleurs post-opératoires, avec retour à une activité normale quatre semaines plus tôt qu'avec la chirurgie à ciel ouvert et moins de complications. Des résultats similaires ont été retrouvés par TOMCZAK et HAVERSTOCK (9). Dans cette pathologie, les auteurs soulignent l'existence de facteurs péjoratifs obérant la qualité des résultats : durée de la symptomatologie pré-opératoire, durée du traitement médical et enfin, obésité.

La plus grande série publiée par BARRETT et coll (4) porte sur les résultats d'une étude multicentrique réalisée sur 652 cas. Vingt-cinq opérateurs participaient à l'étude ; ils avaient tous auparavant suivi une formation sur cadavre. La durée moyenne d'évolution des symptômes pré-opératoires était de 17 mois. Le recul moyen de la série est de 240 jours (1 à 720). Les patients ont pu se rechausser normalement en moyenne 5 jours après l'intervention (1 à 26 j). La douleur postopératoire était inférieure à celle du pré-opératoire en moyenne 6 jours après l'intervention (1 à 180 j). Au total 633 patients ont vu leurs douleurs disparaître.

Il y a eu 62 complications post-opératoires allant de la déstabilisation de la colonne externe ou de la colonne interne, passant par les douleurs talonnières résiduelles, l'infection, les irritations névromateuses des portes d'endoscopie, les compressions nerveuses et enfin la fibromatose plantaire. Toutes les complications sont détaillées dans l'article.

 

CONCLUSIONS: Malgré l'optimisme des promoteurs, l'aponévrotomie endoscopique plantaire reste actuellement une méthode controversée, en cours d'évaluation, et doit être considère comme une méthode expérimentale. LS WEIL, ancien président de l'American College of Foot and Ankle Surgeons a qualifié cette méthode de " viol de l'aponévrose plantaire ". Il n'existe actuellement pas suffisamment d'études à long terme, prospectives, randomisées pour valider réellement l'efficacité de la méthode.

Cependant, comme toutes les méthodes mini-invasives, l'aponévrotomie plantaire endoscopique suivra vraisemblablement l'évolution d'autres techniques comme la libération endoscopique du canal carpien. La méthode reste à valider et des études prospectives multicentriques sont indispensable à cette validation. A l'avenir, la SFA pourrait piloter ce type d'étude